Les caciques du burn out ont longtemps soutenu que contre le burn out, il fallait apprendre à relativiser. Et le disque tourne toujours. Vous êtes agriculteur, surendetté, épuisé? Relativisez! Vous êtes infirmière, soumise à des horaires impossibles et contrainte à des pratiques qui vous semblent inhumaines pour vos patients? Relativisez! Vous êtes commercial, vous travaillez depuis six mois pour gagner un marché, et vous apprenez que votre hiérarchie a prévu dès le départ de le perdre par arrangement? Relativisez! Vous êtes technicien et contraint de donner 100% de votre temps à la production, 100% à la maintenance, 100% aux attentes du département R&D…? Vous êtes directeur de département et vous avez 300 mails qui pleuvent chaque jour? Relativisez, ce n’est qu’un boulot!

Cette injonction n’est pas loin d’être injurieuse. Si Michel-Ange avait relativisé, nous n’aurions pas la chapelle Sixtine. Si Fleming ou Pasteur avait relativisé, pénicilline et vaccins seraient restés longtemps inconnus. Si W. Churchill avait relativisé, si R. Schumann avait relativisé, où en serions-nous? Non, cette injonction n’est pas recevable, car en chacun de nous sommeille un rêve de grandeur, même si cette grandeur peut être celle d’être un épicier chaleureux, un élu loyal, un ingénieur dévoué. Ce désir de grandeur est celui qui donne du sens, qui anime, qui ouvre un horizon. Le sens est ce qui nous différencie de la machine, ce qui nous sort de la condition d’outil de production. Pourrions-nous nous passer de ces profils dynamiques, passionnés, entreprenants, enthousiastes? Alors, comment endiguer le phénomène s’il est inutile de leur proposer de relativiser?

Le Professeur Christophe Dejours a mis en avant le fait que le burn out n’est pas tellement dû à une augmentation de la pression venant de l’extérieur, mais plutôt à un effondrement de nos capacités à y résister. Tout comme nous avons un système immunitaire biologique qui nous protège des bactéries, nous avons un système immunitaire psychique qui nous permet de résister aux effets de la pression extérieure. Pour ralentir une épidémie, l’autorité publique veillera à travailler sur deux axes : renforcer l’immunité des individus (vaccins), et limiter l’exposition des individus à la maladie. S’attaquer au problème du burn out procède du même mouvement : d’un côté diminuer l’exposition des individus au stress et de l’autre, augmenter leur capacité à s’en protéger.

Difficile d’être précis sur les moyens à mettre en place au sein des organisations pour travailler sur le premier axe. Posons néanmoins ici qu’une entreprise est certes un appareil économique voué à un objectif productif, mais qu’elle est aussi une communauté d’individus qui animent cet appareil. Il est probable que toute initiative qui au sein de cette communauté vise à renforcer la coopération, la bienveillance et la compassion ne peut que combattre le burn out. Certaines entreprises n’hésitent pas, aujourd’hui, à engager des animateurs de communauté qui n’ont d’autre objectif que de créer du lien, proposer des temps et des espaces de rencontre, hors des schémas classiques de team building ponctuels.

En ce qui concerne le second axe (renforcer la capacité des individus à résister au stress), la méditation est aujourd’hui l’option qui a le mieux fait ses preuves. Rappelons que cette technique, que certains n’hésitent pas à qualifier d’art, a prouvé sa capacité à réduire de 50% le risque de rechute en dépression. Burn out n’est pas dépression, mais ceux qui connaissent la méditation et le burn out ne doutent pas que les proportions seront identiques, lorsque la reconnaissance du burn out permettra statistiques et études sur le sujet.

La méditation est parfois plus facile à définir par son contraire : le divertissement. La société contemporaine n’encourage pas la vie intérieure, et le divertissement est sa meilleure arme : les écrans ont rempli les moments propices à l’introspection (file d’attente, promenade, coucher, …) par un amniotique abreuvage de divertissement. Les vidéos de Kim Kardartruc à titre d’hypnose pour échapper au face à face avec nos doutes, nos peurs, nos colères, nos choix à faire, … qui ne se découragent pas et nous attendent au tournant. Par exemple pour accélérer notre chute en burn out, ou ralentir la reconstruction qui s’en suit. La méditation, c’est l’inverse du divertissement : elle nous permet tant de tirer plus d’énergie de nos joies, que de créer un espace de rencontre avec nos réalités intérieures douloureuses pour les accueillir et leur accorder une place juste. Lorsqu’elle est exercée dans la durée, cette pratique nous aide à vivre avec plus d’équilibre et un lien serein avec le réel (notre réel intérieur, le réel de l’autre en face de nous, et le réel du monde qui nous entoure, avec leur mélange d’aspects agréables ou pas). Quel meilleur antidote imaginer contre le burn out, à titre individuel?

Demain, lorsque les organisations auront mis en place les moyens pour soutenir la coopération et qu’elles seront peuplées d’individus plus sereins et équilibrés par la méditation, nos fanatiques du travail bien fait seront bien moins en danger de burn out, et pourront à nouveau libérer leur plein potentiel pour faire avancer le groupe.